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LA JEUNE VAMPIRE

à peu, le baby s’était mis à sourire, d’un sourire qui étonnait James : « Il est certain, songea le père, que ce boy ne ressemble à aucun autre enfant… »

Il eut un tressaillement d’inquiétude. Les jours d’antan revinrent. Il vit la première Evelyn et son visage livide. Il revécut cette nuit affolante où il avait découvert le Secret. Puis encore, il se retrouva auprès de la moribonde ; il veilla l’étrange cadavre…

« Se peut-il que Walter n’ait hérité d’elle que sa pâleur ? »

Il s’était arrêté sous un troène. Ses yeux rencontrèrent le regard attentif du baby. Et l’idée lui venant de tenter une épreuve, il introduisit l’extrémité de son annulaire dans la bouche rose. Tout de suite, les lèvres se refermèrent… James éprouva, quoique faiblement, une sensation qu’il connaissait bien. Il attendit deux minutes… Et, quand il retira l’annulaire, il y avait de très fines gouttelettes roses…

— C’est un vampire ! chuchota-t-il.

Et il tremblait d’épouvante.


Il ne se trompait pas. Le jeune Walter Bluewinkle est effectivement un vampire et, pendant longtemps, son père ne l’avoua à personne, pas même à Evelyn. Mais c’est un vampire inoffensif. Il jouit seulement du pouvoir de soutirer le sang à travers les pores de la peau, sans que celle-ci éprouve aucun dommage. Il a aussi une intelligence très précoce et tournée vers les mystères de l’au-delà. Percy Coleman, à qui, lors d’une maladie du petit, James s’est enfin cru obligé à faire des confidences, ne donnerait pas Walter « pour une église en or ». On dit que ce neurologiste doit au jeune vampire une découverte prodigieuse qu’il va prochainement faire connaître à la vieille Angleterre et qui bouleversera les sciences biologiques plus profondément encore que la radio-activité ne bouleversa les sciences physico-chimiques.