Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

un peu de stupeur. Il m’accueillit avec des mots vagues, qu’il parut avaler brusquement, puis me conduisit dans le petit salon émeraude. Il n’y avait personne et, la fin du jour approchant, l’ombre se tassait déjà dans les coins. J’attendis cinq minutes… je rêvassais. La lumière décroissante donnait à mes souvenirs plus de profondeur et de solennité. Quoiqu’on ne me fît jamais attendre, je n’étais pas surpris. Et je ne le fus pas davantage lorsque, au lieu de Janine, je vis paraître la gouvernante anglaise.

Elle s’avança, comme elle faisait toujours, d’un air furtif, et, sur son visage chevalin, les yeux jaunes avaient le regard très lointain que tout le monde lui connaissait.

— Monsieur Langrume, fit-elle d’une voix traînante… il y a une nouvelle dans lé maison… Il faut pas vous décourager… C’est lé volonté du Seigneur… Mlle Janine… eh bien !…

Elle toussa et secoua ses épaules pointues :

— Eh bien ! elle est morte !

J’ai souvent entendu dire que lorsqu’une balle ou un coup de couteau vient d’atteindre mortellement un homme, il ne se rend aucun compte de son état. Telle l’impératrice d’Autriche, une minute avant sa fin, croyait avoir reçu un coup de poing. Mon impression fut d’abord quelque chose de semblable. Je regardai la gouvernante, je murmurai deux ou trois mots vagues. Ensuite seulement la mort de Janine entra dans mon âme et