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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/195

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LA BATAILLE

IV

L’aube commençait à blanchir les étoiles, lorsque Laufs-Pacha s’éveilla. Malgré les incidents qui l’avaient privé d’une couple d’heures de sommeil, il ne voulut pas prolonger son repos. D’ailleurs, cet homme sec, vigilant, sobre et sans infirmités, résistait admirablement à la fatigue. Dès qu’il eut quitté son dur lit spartiate, il fut en pleine possession de ses facultés et il s’apprêta à la journée décisive dont allait dépendre, non seulement le sort de la Turquie, mais encore son sort à lui et aussi, jusqu’à un certain point, le sort de l’Allemagne, sa véritable patrie. Il grignota un biscuit, avala quelques gorgées de café et se trouva prêt aux événements. C’est à peine s’il songeait au phénomène nocturne : les faits démontraient suffisamment son innocuité. Aussi parcourut-il sans intérêt les derniers rapports de la nuit : ils n’offraient rien de nouveau… En revanche les premiers rapports de la matinée lui firent dresser l’oreille. On lui apprenait que les troupes austro-hongroises débordaient, très loin, son extrême gauche et son extrême droite. Son inquiétude fut d’abord très vive, car il crut que l’ennemi recevait des renforts. Peu à peu, l’événement s’élucida : il s’agissait