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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

— C’est tout de même pas pour la Veuve qu’y viennent ?

Je fis un signe de tête. Soudain, il se rendit un compte exact de la situation. Sa mort, qu’il n’avait jamais bien imaginée, lui apparut comme elle apparaît au fauve terrassé. Il claqua des dents ; ses oreilles blanchirent. Néanmoins il crâna :

— On montrera qu’on a de la moelle.

En ce moment, on le toucha légèrement à l’épaule. Il fit un bond de côté, une épouvante immense le tordit et il cria :

— Je veux pas… au secours… je veux pas !

Il courait autour de la cellule ; deux hommes le saisirent, mais ses cris s’étaient transformés en un long hurlement, un hurlement de loup au fond des bois. Tout à coup, d’un effort terrible, il se dégagea, écarta l’aumônier, repoussa le procureur et se jeta sur moi. Il m’avait saisi dans ses bras, il m’étreignait avec un tremblement affreux, son visage se cachait dans mon cou comme le visage d’un enfant et il sanglotait :

— Sauve-moi !… Sauve-moi !… Sauve-moi !…

Il est tout à fait impossible de vous dépeindre l’épouvante de cette minute. J’avais l’impression que l’assassin était devenu un être de ma race, un être de mon sang ; un goût affreux emplissait ma bouche ; j’avais les entrailles tendues comme des cordes ; et mon cœur tantôt grondait comme un torrent, tantôt se taisait dans une défaillance…

Je me souviens que des larmes chaudes cou-