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LA PLUS BELLE MORT


— La plus belle mort… commença le vieux Jamblin.

— C’est de ne pas venir au monde, interrompit Darville.

— La plus belle mort que j’aie vue, reprit le vieillard, est aussi celle qui m’a le plus affreusement impressionné. Et pendant très longtemps j’ai cru que c’était une des plus horribles qui se pouvaient concevoir. L’expérience m’a fait comprendre à quel point elle était enviable. C’était en 1863, pendant la guerre de Sécession. Je commandais un vague régiment nordiste, aux effectifs élastiques : un mois, il m’arrivait d’avoir deux mille hommes sous les armes, le mois d’après je n’en avais plus que trois cents, puis de nouveau le contingent s’accroissait pour décroître encore.

Le corps seul des officiers restait à peu près stationnaire, malgré qu’il comportât une proportion de chenapans presque aussi forte que le gros des troupes.