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LE MAGE RUSTIQUE

ses décors, et je me tenais toujours là, anéanti, lorsqu’une voix se mêla au chuchotis du flot. Me retournant, je vis notre servante Mathilde, jeune campagnarde taillée en muid, débordante de vie et de santé :

— Monsieur, dit-elle d’un air mystérieux… pourquoi ne demanderiez-vous pas le guérisseur ?… Il a fait revenir ma mère qu’est vieille et, pis, infirme… Y pourra, ben sûr, faire revenir un p’tit éfant…

Ce n’était pas la première fois que Mathilde m’entretenait de cet homme. Je l’avais, jusqu’ici, rembarrée avec indifférence. Alors l’enfant n’était pas condamné !… Maintenant j’écoutais, oh ! sans foi, sans espoir… mais, quand il n’y aurait qu’une seule chance sur un milliard de sauver Georges, pouvais-je écarter cette chance ? Je fis un morne geste de consentement :

— Va !

Et Mathilde disparut parmi les tilleuls de Hongrie.

L’homme qui parut devant nous, avec sa tête cubique, plantée à foison de cheveux fauves, avec ses yeux immenses, couleur de tourmaline, extraordinairement variables de teinte et d’éclat, avec sa poitrine d’Ajax et ses mains faites pour étouffer