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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

En ce temps, j’avais entrepris mes recherches sur les excavations hydrauliques. J’étais près d’atteindre au dénouement. Encore quelques efforts et je pourrais faire breveter le système que je croyais, à bon droit, devoir me conduire à la fortune. Par malheur, j’étais à bout de ressources. Le classique haubergeon se fait maille à maille, mais ce sont des mailles de fer ; l’invention, elle, emploie pour ses mailles les billets de cent et de mille.

Je me souviens du soir où, la tête entre les mains, je considérais mes plans et ma dernière pécune : une humble pièce de vingt francs… Il est vrai que j’avais encore quelques bijoux de famille et des bibelots négociables… Mais j’avais aussi des dettes. Et, bref, j’échouais au port.

Le désespoir me saisit, roide et sinistre. Je songeai à mon vieux revolver bull-dog, qui avait fait avec moi le tour de l’Europe et de l’Asie… Enfin, les nerfs à vif et suffoquant dans ma chambre, j’enfonçai mon chapeau sur ma tête et je sortis. Comme je suivais le trottoir, une dame mafflue m’arrêta brusquement dans ma marche et s’écria :

— Le père Bastien est en train de casser sa pipe… Sauf respect, y voudrait bien vous voir.

Je trouvai le vieux biffin couché sur une paillasse de zostère. Les yeux avaient tellement reculé