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LE DORMEUR

malade est une profession exécrable. Le crépuscule vint, puis la nuit. J’enveloppai l’homme avec soin et, recru de fatigue, je m’abandonnai au sommeil. Je dormais depuis plusieurs heures, lorsqu’un hennissement me réveilla. Tout de suite, j’aperçus des bêtes qui rôdaient autour de nous, je reconnus des coyotes, en nombre insuffisant pour m’inquiéter. Comme ils m’agaçaient cependant, je pris un tison et fis une charge à fond de train ; les maudites bêtes s’enfuirent dans les ténèbres.

Tandis que je revenais près du feu, une voix faible se fit entendre :

What’s the matter ?[1]

— Il se passe, répondis-je, que je viens de chasser des coyotes qui énervaient nos chevaux. En ce qui vous concerne, vous venez de vous éveiller d’un sommeil dont j’ai vainement cherché à vous faire sortir pendant toute une maudite journée !

L’homme se redressa. À la lueur du feu, il me considéra de ses yeux sombres, et qui louchaient un peu, puis il murmura :

— Alors, vous vous êtes arrêté pour moi ?

— Vous pouvez le dire, old fellow… Sans vous, je serais dans les environs de Horsetown…

L’homme parut pensif. À mesure qu’il s’éveillait, ses yeux luisaient davantage. Il finit par dire :

— Après tout, vous m’avez peut-être sauvé la vie…

19
  1. Que se passe-t-il ?