Aller au contenu

Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
349
LE LION ET LE TAUREAU

n’en avais aucune crainte. Il m’aimait bien, parce que je lui jetais un mot amical et qu’il m’arrivait d’écouter ses propos ; il ne les prolongeait point, doué d’une tournure d’esprit laconique. Il lui suffisait de quelques paroles sur les événements de la forêt ou de l’annonce qu’il était sur la piste d’une gazelle, d’un buffle, d’une girafe. Car il ne se lassait pas de chercher une proie et voulait, bien entendu, que ce fût une bête comme il s’en trouve en Afrique. Au demeurant, il mangeait des faînes, des champignons dont il connaissait chaque sorte, des noisettes, des fraises et des pommes de terre qu’il cultivait lui-même dans les moments où il reconnaissait sa nature d’homme… Il rendait aussi des services aux braves gens, qu’il renseignait sur les bons coins des bois, et recevait en échange quelque quartier de lard ou quelque panier de légumes. Nous étions de ceux qui lui venaient le plus souvent en aide, particulièrement au creux de l’hiver.

Un après-midi, je revenais de chez les Pommereux-Lascombe avec Marguerite, notre plus vieille servante. C’était à l’automne verte. Le temps était gentiment nébuleux, avec des sautes de soleil, et je marchais bien contente de ma jeunesse, de la fraîcheur des prairies, de cette fine mélancolie des arbres, dont quelques-uns seulement montraient