Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/101

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sa chevelure. Devant la fenêtre étroite, sa taille semblait accrue ; sa bouche était brillante et terrible. Elle souriait d’un sourire lointain, vague, où il y avait la joie et l’insolence de sa jeunesse. François murmura :

— Quel dommage que vous ne soyez pas révolutionnaire !

Elle le regarda en face, avec moquerie et douceur :

— Quel dommage que vous soyez révolutionnaire !

— Vous êtes une force perdue, insista-t-il.

— Vous êtes une énergie gaspillée.

Elle eut un rire de cristal et d’eau courante :

— Est-ce qu’il n’est pas ridicule, fit-elle avec une soudaine véhémence, de voir un homme se livrer au travail sauvage que vous pratiquez depuis deux jours ? Ce peuple que vous devez mener vers l’avenir, vous l’abreuvez d’antiques rengaines, vous le soulevez par des superstitions dérisoires. La scène des cadavres… le culte des morts… Mais vous nous ramenez dans la Grèce et la Rome des premiers âges !

— Est-ce que vous n’auriez pas le culte des morts ?

— En aucune manière. Je demande qu’on les ensevelisse proprement, le reste me paraît absurde et presque odieux. Tant d’argent gaspillé, par les riches et les pauvres, pour des ossements que la nature traite avec dédain, c’est une folie de barbares, une cruauté envers les vivants misérables. Si le budget des funérailles était consacré à nos vieillards, aucun ne connaîtrait l’indigence. Aussi, lorsqu’il vous a plu de révolutionner la foule pour le cadavre d’un puisatier qui, de son vivant, était brutal, égoïste, presque dangereux, j’ai trouvé que vous faisiez un usage abominable de votre force et je vous ai sincèrement détesté.

— Il faut remuer le peuple comme on peut, répli-