Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/145

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et même ça me fait plaisir de voir un exploiteur.

Ou encore :

— J’ai mes poings et puis mes bras. C’est solide. Y en a qui parlent de mourir de faim… des patates ! Si tu sais faire la besogne et que tu la serches, tu la trouves !

— Mais, faisait doucement François, il y a des couturières qui travaillent dix-huit heures et qui gagnent vingt-cinq sous.

— Je suis pas couturière ! Y a des métiers ousqu’il y en a trop. Si on se met dix pour manger un rognon de veau, bien sûr y en aura pas assez. Faut se mettre ousqu’y a de la place.

— Très bien ! Seulement, s’il y a cinquante rognons de veau pour Pierre, qu’il les garde pour lui, sans même pouvoir les manger, tandis que Jacques, Paul, Henri n’ont rien à se mettre sous la dent ?

— As-tu jamais vu quelqu’un garder cinquante rognons ?

— C’est une manière de parler.

— J’ai une tête qui casse les portes et les magnières de parler j’y comprends pas !

— Mais les rognons, c’est l’argent ! criait Dutilleul avec fureur.

— Essaye voir qu’on te paye ta quinzaine en rognons ou en pieds de porc !…

Il se tapait sur la fesse et n’écoutait plus.


Le père Cramaux dit Cul-de-Singe était plus inaccessible encore. Il roulait de gros yeux aux sclérotiques citron, dans un gros visage désabusé, et suait jaune. Sa voix sortait par bouffées ; beaucoup de notes y manquaient ou ne fonctionnaient guère, et lorsque Rougemont lui parlait, il n’entendait que le commencement des phrases. Puis il ripostait :

— Nous serons rasés comme des culs de singe. Pas de justice, pas d’injustice, pas d’exploiteurs, pas d’exploités : il n’y a que des salauds. Je suis