Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/194

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munisme ne pourrait offrir que comme maximum, et le donneraient plus vite.

Deslandes avait défendu ses théories avec une âpreté qu’accroissait chaque victoire du syndicalisme rouge. Il y déploya une ténacité et une virulence qui eussent conduit un révolutionnaire à la députation.

Sa tâche était rebutante. L’ouvrier parisien est révolutionnaire ou sceptique. Et même sceptique, il s’estime dupe dès qu’on lui propose une solution mixte. Par ailleurs, la forte organisation des syndicats parisiens semblait inattaquable. Aussi bien, le contremaître ne les jugeait pas néfastes dans leur vigilance et leur combativité : comme eux, ne visait-il pas la journée de huit heures et l’augmentation des salaires ? Il désirait seulement les arracher à l’influence de la Confédération générale et à l’antimilitarisme. À force d’énergie, il avait fondé un groupe jaune et un petit journal hebdomadaire. Plus de quatre cents hommes y adhéraient, dont le noyau concentrait des éléments volontaires, sagaces et laborieux. Leur propagande était lente, mais remarquablement pertinace.

Deslandes les avait endoctrinés un à un ; presque tous possédaient des notions claires et connaissaient leur but. Ils n’acceptaient aucune alliance bourgeoise. Cette alliance était implicite : elle se traduisait par des abonnements au journal, par des souscriptions discrètes, par des sympathies prêtes à se convertir en argent monnayable.

Après l’arrivée de Rougemont, la vie du mécanicien s’exaspéra. Le meneur fut la silhouette qui gâte l’univers ; elle accompagnait sournoisement les lectures, la parole et les actions de Deslandes. Dès qu’il l’apercevait, un instinct brutal et presque meurtrier enflait ses veines. Et de toutes parts, il apprenait les succès de l’adversaire. Alors qu’il avait tant peiné et souffert pour former son groupe, alors