Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/237

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— Nous voulons les huit heures comme vous ! Mais nous voulons les obtenir sans violence…

— Vous voulez les obtenir en léchant le c… des patrons ! beugla Jacquin l’Homard. Vous lécheriez mille ans !

— Après avoir parlé de la tactique du travailleur, reprenait Rougemont, occupons-nous de celle du citoyen. À la vérité, l’une n’est pas distincte de l’autre. Mais alors que nos pères révolutionnaires se laissaient gober par les politicards, nous prétendons subordonner les devoirs du citoyen à ceux du syndicaliste. Et c’est justice : le travail domine de haut les autres choses sociales…

Des jaunes protestèrent :

— La patrie !

— La famille !

— Sans travail, il n’y a ni patrie ni famille ! riposta François. Le travail est la puissance première des hommes : le reste vient par surcroît. Je répéterai donc avec énergie que les devoirs du travailleur envers ses frères priment les autres devoirs du citoyen. Ne comptons que sur nous-mêmes ! Usez, si cela vous chante, du bulletin de vote en faveur de ceux qui professent, ou prétendent professer le socialisme révolutionnaire, mais arrêtez là vos relations politiques. Le parlementaire est un animal professionnel qui se moque copieusement de vous. Mais quand il serait honnête homme, il ne peut presque rien. Il représente des intérêts trop divergents !… Passons ; j’ai hâte d’en venir à une question beaucoup plus grave. Vous m’avez déjà deviné : nous allons aborder le redoutable problème de l’antimilitarisme.

Un long frémissement agita les foules adverses. Tous les fauves palpitaient dans la cage. Rougemont, immobile, élevait à peine la main ; jamais encore sa voix n’avait sonné plus grave et plus pathétique :