Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/24

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lorsque votre jour sera venu. Arrachez continuellement des lambeaux au monstre capitaliste, ne négligez aucune occasion, ne trahissez pas vos camarades, n’écoutez ni les plaintes ni les menaces de vos ennemis. Haut le drapeau syndical qui peut seul vous conduire à l’émancipation ! Songez jour et nuit à la première étape, à la journée de huit heures qui vous délivrera de la tuberculose, qui vous donnera plus de temps pour réfléchir, pour étudier, pour comprendre… Et quand vous aurez la journée de huit heures, ce sera un acheminement vers celle de sept heures et celle de six heures : après cette dernière, la révolution sociale sera bien près d’être faite, car des millions d’intelligences seront libérées !

L’homme se tut. Ses paroles se répercutaient au fond des âmes. Il venait à l’heure fatidique. On savait que la doctrine syndicale pénétrait au fond des provinces obscures, dans de vieilles villes réactionnaires, dans des bourgades perdues ; on savait que des émissaires violents parcouraient la France, que les multitudes inertes s’animaient étrangement. Et sans doute, tout cela était vague. Mais à travers le verbiage des journaux ou des orateurs, on entendait le glas et le tocsin ; on sentait aussi l’effort d’une génération neuve, délivrée du joug religieux, pour qui l’Armée, le Drapeau et la Patrie même cessaient d’être des dogmes.

À mesure que les croyances s’effondraient, le socialisme devenait une foi à son tour, condensait les vœux profonds, les grandes espérances, les enthousiasmes collectifs des hommes. Ceux qui étaient assemblés par ce soir d’avril, pleins de cette ardeur incertaine et de cette aspiration au bonheur que provoque une catastrophe, écoutaient avidement la leçon.

— Bravo ! s’écria Isidore Pouraille, c’est bien parlé !