Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/278

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— Marcel ! s’exclama-t-elle.

Sa joue était rouge. Mais elle se reprit tout de suite :

— Tu sais pourtant que je ne peux pas mentir et que je ne le veux pas. Ce que je t’ai dit, il fallait te le dire. La route en est plus libre… Maintenant, mon frère… mon cher frère Marcel, toi qui as été mon père, toi qui m’as faite ce que je suis, toi que j’aime de toutes les forces de mon cœur, comment as-tu pu croire que j’écouterais un homme que tu détestes ? Tu ne me connais donc pas encore ?

Elle s’était levée ; elle l’enlaça dans ses bras frais et posa sa lèvre rouge sur la joue lasse. Il rendit l’étreinte avec un grondement de tendresse :

— Ah ! ma petite Christine !

Et la joie se posa sur la fatigue de son visage comme une lueur sur des herbes flétries :

— Je ne suis pas de celles qui trahissent leur race.

— Je le sais, fit-il, presque humble. Mais je crains les surprises… Tu pourrais souffrir.

— Non. L’amour ne vient que lorsque nous sommes d’abord ses complices. Il y a cent petits mensonges, cent petites lâchetés qui préparent les surprises. Je ne souffrirai pas.

Elle parlait d’un air lointain, où se mêlaient le songe et la volonté. La confiance emplit l’âme de Marcel Deslandes. Il crut de toutes ses forces. Et plein du vœu que François Rougemont connût les tortures d’un amour dédaigné, il acheva son café, et même il grignota une tartine ; son être nerveux se redressait pour l’effort et la guerre ; les paroles de Christine bourdonnant en lui comme des abeilles, il songeait à la vanité des joutes oratoires, il se jurait de compter uniquement sur l’action et sur la discipline. La défaite même ne lui parut plus aussi redoutable ; elle ne durerait point : la force profonde des sociétés humaines broierait le communisme :