Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/30

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L’oiseau ricana :

— La Presse ! Ah ! ah ! ah !… rrnières nouvelles !

Et il chanta :

— Pends ton prriétaire !

Rougemont se mit à rire, innocemment, comme un petit garçon, pendant que la bête hérissait sa peluche.

— Il est toujours farceur ! fit la vieille femme.

Elle avait disposé une nappe à gaufrures, mis le couvert et allumé le fourneau à gaz.

— Il y a du bœuf, du brie, des œufs, des carottes froides…

François considérait avec complaisance cette scène simple. La lampe était claire, les mets frais ; les assiettes, les verres et les fourchettes évoquaient cent choses intimes et lointaines, des rites auxquels se rattache toute la légende de l’heur et du malheur, de l’abondance et de la disette, du refuge et de l’abandon. Il avait une sensualité saine et facile qu’attisait le plus frugal menu.

— C’est à peu près ce que je demande pour mes semblables ! murmura-t-il… avec quelques beaux dimanches, où un peu d’excès n’est pas nuisible, un travail dont la fatigue soit salutaire, du loisir, de la méditation, la sécurité sans servitude. Oui, il n’en faut guère davantage. Le bonheur n’est pas si terrible.

Il prit dans sa main un des œufs, très blanc, lisse comme de l’onyx et d’une courbe parfaite :

— Comme c’est joli, fit-il, comme c’est fignolé.

Il mangea d’abord en silence, attentif et mâchant avec ordre. Ses hôtes le regardaient.

— Tu as fait une bonne tournée ? demanda la femme.

Il hocha la tête :

— Comme je vous l’ai écrit, très bonne !

— Tu nous l’as écrit, c’est vrai, mais en trois mots.