Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/363

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Autour d’eux s’étalaient la rudesse et la pesanteur de la pierre ; une vie immobile, tenace, sournoise succédait à la vie turbulente, le silence happait et dévorait la lumière. Dans le fond, une crevasse semblait dégorger des ténèbres.

— Est-ce que c’est solide ? demanda la jeune fille.

— Tout Paris sera écroulé avant ces cavernes, murmura Rougemont avec enthousiasme.

Il voyait revenir les temps perdus dans la nuit. Alors la terre était immense pour les hordes minuscules de l’homme. Tous les prodiges de l’aventure enveloppaient la bête verticale et lente, qui allumait le feu dans le vent du soir. Et voici que la terre va devenir petite. Il n’y a plus d’espaces poignants de mystère, d’épouvante et de beauté ; il n’y a plus d’océans sans limites, de déserts vierges, de forêts impénétrables ; le petit animal rusé tire ses forces du fer et de la flamme, il les anime d’un souffle de vapeur ou d’une palpitation de foudre, il parcourt en peu de journées ce que la race entière n’avait pu parcourir au cours des millénaires.

Dans une deuxième salle, l’ombre s’épaississait ; elle était veloutée, fallacieuse, ennemie ; on était dans le royaume des forces opaques, hors de cette patrie de la chair où bondissent les fluides, où palpite la figure des soleils.


— Nous y reviendrons avec des torches, fit-il. Que c’est beau !

Elle sentit passer une menace. Mais elle était sans peur : on pourrait vivre dans ces cavernes ; elle n’y serait point malheureuse.

— Est-ce qu’il n’y a pas des gens qui dorment sous la terre ? chuchota-t-elle.

— Il y en a des millions, surtout en Chine et dans l’Inde. Les Hindous creusent dans la roche ; les Chinois se nichent dans le sol… Ceux-ci, qui