Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/364

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sont le plus souvent des gens du Nord, économisent le feu en hiver.

— C’est chaud, dans la terre ?

— C’est chaud.

Ils étaient revenus dans la première grotte ; ils en discernaient mieux la structure : les murailles, rejointes en pyramides, étalaient une ossature fauve, pleine de nœuds et d’excavations ; leur dureté faisait mieux concevoir l’énergie des météores qui les avaient creusées.

Assis près de l’ouverture, les amants plongeaient tantôt le regard dans l’ombre et tantôt dans la mer retentissante. Ils se sentaient décroître. Et le monde croissait.

Leurs âmes furent éparses, imprévoyantes et pauvres de souvenirs ; elles flottaient dans la nuée, elles s’évadaient de la vie précise, elles s’engouffraient dans l’élément. À la fin, Eulalie secoua les algues de sa chevelure, ses yeux de rôdeuse s’affolèrent :

— Moi, je vivrais bien comme ça ! s’exclama-t-elle. On nicherait dans la falaise, on se nourrirait de la mer… ça ne m’ennuierait pas du tout…

Une ardeur bohême s’élevait de la fille ; elle eût enduré la rôderie, la faim, la soif, le désert ; elle saurait conquérir la nourriture et se dérober au péril ; par les jours de repos et de plénitude, elle connaîtrait des voluptés parfaites : ah ! qu’elle était plus proche que François de la jeune nature ! Et elle lui apparut comme une fille troglodyte, dans un monde où les lions et les hommes suivaient encore des lois parallèles.

Cependant, elle jouait avec sa chevelure, en chantant tout bas ; la brise prenait et relâchait la toison noire ; les pieds étaient nus, les jupes soulevées jusqu’aux mollets : la chair, un peu bise, fine et saine, la structure légère, s’harmonisaient avec le granit, les eaux clamantes, les nuées en course. Il