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II


Quelques semaines avant le 1er mai, de brillantes nouvelles réjouirent les syndicalistes. Il était devenu, ce 1er mai, par la force de traditions encore jeunes, une réalité étrange, un pôle de foi et d’espérance ; chaque année, les prolétaires en attendaient quelque miracle et la bourgeoisie subissait du malaise, de l’anxiété ou de la terreur. La C. G. T. laissa entendre que la révolution allait franchir une belle étape ; la Voix du peuple multiplia les airs de bravoure ; dans l’atmosphère des syndicats luisait cette flamme rouge et fumeuse, retentissaient ces discours messianiques dont on faisait reproche aux vieilles barbes et même aux hommes de la Commune. Le peuple ouvrier se retrouvait saisi par la foi, par les dogmes, par les mystères, par le besoin des accomplissements foudroyants et des réformes triomphantes.

On allait avoir la Grève Générale.

Ainsi que le 1er mai, celle-ci devenait une réalité mystique. Elle avait d’abord paru lointaine. Les sages ne l’envisageaient pas comme un événement unique, mais comme une suite de batailles livrées pour les salaires, pour les huit heures, pour des expropriations graduelles : ils concevaient ainsi cent grèves générales, marquant chacune une victoire du prolétariat. La dernière, la Grève Suprême, ne deviendrait possible qu’au jour où les disciplines et les lois organiques seraient, sinon parfaites, du moins fortement tracées.