Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/384

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syndicale, sur la logique immanente des contingences. Au fond, elle n’espérait qu’un succès relatif.

L’attitude des bourgeois servait efficacement l’agitation. Une veulerie sénile, une couardise dérisoire caractérisèrent la classe moyenne à Paris et dans les grandes villes : la légende de l’Organisation formidable, des immenses ressources de la C. G. T. rencontrait chez elle plus de crédit que dans le peuple même.


Le souffle révolutionnaire réjouissait les Enfants de la Rochelle, le groupe des Études syndicales et la Jeunesse antimilitariste. Rougemont et ses néophytes menèrent une campagne tumultueuse. À mesure que levait la semence d’illusion, le meneur s’illusionnait lui-même. Depuis longtemps, il n’avait connu cette douceur optimiste, ce flottement dans la nuée, ces rêves où l’Icarie communiste se profile ainsi que jadis le royaume de Dieu. Dans les averses et les giboulées, il se transportait joyeusement parmi ses néophytes ; on le voyait à tous les détours des terrains vagues, à l’entrée des usines et des fabriques, aux abords des chantiers, à la sortie des artisans, aux enterrements des camarades syndiqués, aux réunions et aux banquets, même à des répétitions de chorales ou de fanfares.

Les Enfants de la Rochelle et leurs annexes ne pouvaient plus contenir la foule ; le patron avait loué une deuxième baraque, vouée aux démolitions prochaines. La pluie entrait par les fissures, le vent soufflait autour des lampes, une odeur de vieux terreau se mélangeait aux effluves des hommes ; la fraternité coulait à pleins verres parmi les palabres, les chansons et les clameurs, chacun partageant des richesses aussi abondantes que la lumière et des conforts distribués comme l’eau, le gaz et l’électricité.

L’Effort allait enfin disparaître. Maître d’énergies