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IV


La déconvenue des révolutionnaires fut profonde. L’esprit mystérieux des foules avait, d’avance, inscrit une de ces Dates auxquelles se complaisent nos faibles imaginations. Atteints par une illusion parallèle, les bourgeois exultèrent autant que s’ils eussent remporté quelque éclatante victoire. On sut que les casernes regorgeaient de soldats, qu’une division tout entière avait attendu, dans des garnisons prochaines, l’ordre de mobilisation ; les journaux démontrèrent que l’émeute, si forte fût-elle, devait être pulvérisée ; il y eut un hosannah mêlé d’ironie, et les cafés-concerts chantèrent l’homme aux jambons.

Pourtant la crainte des uns et l’espoir des autres n’étaient pas complètement évanouis. Car il y avait encore la Grève Générale. On annonça, dès le 2 mai, qu’elle n’éclaterait pas en coup de foudre. Les travailleurs de l’approvisionnement restaient à leur poste ; les autres parurent aux chantiers, aux usines, aux fabriques. Mais à quatre heures, les terrassiers quittèrent tous ensemble le travail, suivis d’une partie des ouvriers du bâtiment et des mécaniciens. La campagne allait se porter sur les huit heures ! Elle se ferait par étapes.

Deux ou trois cents mitrons se joignirent aux grévistes, puis il y eut une petite levée de typographes. Toutefois, le mouvement languissait. Malgré des affiches prophétiques et une propagande ronflante, le nombre des chômeurs ne croissait point : les