Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/499

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— Si ! Si ! On en parlera, protesta le fossoyeur avec colère… Peut-être pas dans les journaux, mais à la caserne. C’est nous qui avons semé la graine… elle lèvera, elle donnera une sacrée moisson… tes généraux et tes colonels sont plus près d’être passés à tabac qu’ils ne le pensent.

— Je ne suis pas contraire ! riposta le mécanicien avec un claquement de la langue, pour mieux se rendre compte de la saveur du faro. C’est pas moi non plus qui chialerai, vu que je suis un mécanicien et puis un bon… de ceux pour qui y a toujours de l’embauche !… Mais crois-tu qu’eux autres y vont s’amuser ? Va pour l’ébénisse, y a du bon, je crois qu’il sait fignoler le meuble… et ça ne se trouve pas dans la crotte de lapin. Mais le meunier, où veux-tu qu’il courre pour trouver un moulin ? Chez « Manne qui pisse » ? Et le droguiste ? Et les employés ?… Et le fils du cocher de fiacre, qu’est bien jeune pour le cheval ? Mon vieux, ils ne vont pas suer des pièces de cent sous !… Et toi-même, là… crois-tu que tu n’auras qu’à te présenter au cimetière avec une pelle pour qu’on te confie les macchabées ?

— T’inquiète pas pour moi, fit rudement Bouchut. J’ai des os qui ne craqueraient pas sous un autobus, et des bras qui n’ont pas peur. Je ne resterai pas pour compte et j’aiderai sûrement les autres. Ah ! si on voulait rester ensemble, partager le bon et le mauvais, s’organiser pour défendre la cause, c’est pour le coup que les Neuf deviendraient célèbres dans l’Histoire !

Ses yeux flamboyaient de dévouement ; tout son être se donnait au sacrifice, à la fraternité et aux faibles.

— Faut d’abord exterminer le bourgeois ! remarqua Roubelet avec nonchalance. Alors, l’homme sera bon tout naturellement… chacun pourra « soigner sa gueule » sans faire tort à personne. Actuel-