Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/53

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— Pour sûr, un rendez-vous, ça ne se manque pas ! fit le petit homme jovial, qui voulut y voir une affaire de sexe.

Après trois rudes étreintes, François continua sa route :

— L’esprit de Paris est toujours excellent ! murmurait-il, en se dirigeant vers les ateliers de l’éditeur Delaborde.


Ces ateliers se développaient dans un bâtiment aux vastes baies, construit d’après les plans mêmes de l’éditeur. Des triangles d’émail semaient les briques écarlates de la façade. À l’aile droite, dans une tourelle, Delaborde avait installé un carillon qui, d’heure en heure, jetait sur le silence du boulevard l’appel argentin des vieilles cités de Hollande. Un grillon d’or, sur champ de gueules, étincelait au fronton de la fenêtre centrale, tandis qu’un lézard de bronze vert, presque aussi long qu’un alligator, dominait le grillage en fer forgé.

Rougemont attendit un quart d’heure dans une chambre pâle, aux murailles peuplées d’aquarelles et de dessins ; des châssis en angle offraient une proie savoureuse d’eaux-fortes et de gravures. Le grillon d’or reparaissait sur le plafond, le coin d’une vaste table en chêne, le cuir de bœuf des fauteuils et des chaises.

François s’intéressa à des reliures. Elles décelaient l’imagination hiératique de l’éditeur. Delaborde aimait la figure des fleurs sacrées, des ibis, des serpents, des taureaux ailés, des dieux éperviers, des déesses chattes, du Rat-Musqué ; il avait aussi la hantise des flores qui vivent aux anses des fleuves, sur la face trouble des marécages, dans les criques des lacs. Ces sujets, appliqués au fer, ornaient les coins des reliures de maroquin, de veau, de truie, où paraissait aussi quelque lune mystique, quelque barque imitée des barques de Saïs ou de