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Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/223

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Nous buvions sans hâte, dans une sécurité profonde, lorsqu’un rugissement se fit entendre. Et nous sentîmes que nous n’étions plus les maîtres de la solitude. Celui qui jetait, là-bas, sa menace à travers l’étendue, était un dominateur des forêts, des brousses et des sables. Mon grand lion s’était dressé. Ses yeux luirent, globes de béryl trempés de phosphore ; la peau de son visage houla, et sa crinière frissonnait ainsi qu’une onde. Un second rugissement ébranla l’espace ; Saïd, de toute son énergie, y répondit. Ce fut une minute des vieux âges, alors que l’homme était encore une créature négligeable. Comme firent, pendant les millénaires, nos ancêtres, c’est aux arbres que je songeai pour conjurer le péril : je réussis à me hisser sur un palmier avant que l’ennemi apparût. Quoique l’épouvante fût encore au fond de mes os, déjà une curiosité sauvage m’envahissait. Qui ne garde au fond de soi quelque chose de cette âme qui précipitait les