Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/47

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querait une étape de notre affreuse agonie. La lune fuligineuse et molle vint entre des strates nuageuses. Elle se posa immense sur un rideau lointain de peupliers, légèrement écornée déjà par le décours. Le cheval de Sabine enfonçait jusqu’à la croupe ; elle me regardait avec un commencement de désespoir :

« Robert, nous sommes perdus ! »

J’essayais de saisir autour de moi quelque soutien ; mais tout cédait, toute tentative hâtait l’heure…

« Eh bien ! — s’écria le capitaine, — si rien ne vient à notre aide… et je ne vois pas ce qui pourrait venir… nous sommes en effet perdus, mes pauvres enfants ! »

Sa voix si dure avait une inflexion de tendresse : elle me fit d’autant plus mal. Les yeux de Sabine se dilataient d’horreur. Elle nous regardait alternativement, et tous trois nous nous abandonnions à cette hideur où le combat est refusé, où l’élément vous dévore,