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Page:Rossel - Voyage de Dentrecasteaux, envoyé à la recherche de La Pérouse.pdf/188

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VOYAGE

1792.
Juillet.
mouchoirs rouges qu’on leur proposoit : ils parurent accepter l’échange, et firent signe d’envoyer les mouchoirs qu’on leur avoit montrés ; mais en retour nous ne reçûmes que des flèches. Ils mettoient tant d’adresse dans ce commerce, qu’il semble que ce n’étoit pas leur coup d’essai : peut-être des navires autres que ceux de M. de Bougainville avoient-ils abordé depuis peu à ces îles. Au reste les habitans sont tels que les a dépeints le navigateur français : ils sont entiè­rement nus ; leurs cheveux sont crépus et noirs ; plusieurs les ont peints en rouge ; les taches de craie qu’ils se peignent sur différentes parties du corps, faisoient ressortir la couleur noire de leur peau. Sans doute ils mâchent du bétel, puisque leurs dents sont rouges. Rien, ni dans leur physionomie, ni dans leurs gestes, ne put nous faire juger qu’ils fussent d’un caractère féroce ; ils nous parurent portés à la gaieté. M. de Saint-Aignan joua un air un peu vif sur son violon : le son de cet instrument, nouveau pour eux, sembla leur être très-agréable ; ils rioient et sautoient sur le banc de leur pirogue : ils proposèrent en échange de ce violon, non-seulement l’arc qu’on leur avoit déjà demandé, mais des massues qu’ils n’avoient pas encore montrées. L’air de Marlborough[1] qui avoit fait une grande sensation chez d’autres peuples sauvages où avoit abordé M. de la Pérouse, ne parut pas les affecter ; les airs d’une mesure vive sont

  1. Le Voyage de la Pérouse n’avoit pas encore été publié à l’époque du départ du contre-amiral Dentrecasteaux ; ce fait est tiré des Mémoires qui avoient été remis au Ministre de la marine par M. de Lesseps. ,