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DE DENTRECASTEAUX.

de retard équivaloit à un siècle de douleurs. Mais cette 1792.
Janvier.
satisfaction étoit cependant mêlée d’amertume. En effet, si l’on avoit vu les habitans des îles de l’Admiralty vêtus d’habits Européens, il étoit vraisemblable que les infortunés à qui ils appartenoient avoient péri dans un naufrage, et que ceux qui s’étoient échappés avoient été massacrés par les naturels du pays ; car, d’après la proximité où sont ces îles des établissemens Européens, il me paroissoit impossible que les équipages des deux bâtimens n’eussent pu parvenir à construire quelques embarcations et à se rendre aux îles Moluques, d’où l’on eût infailliblement et depuis long-temps reçu de leurs nouvelles.

Ces raisonnemens avoient d’autant plus de force, que nous avions des exemples fréquens de vaisseaux naufragés dont les équipages s’étoient sauvés dans des canots, et avoient abordé à des établissemens situés à une grande distance du lieu de leur naufrage. Blight avoit fait, en canot, le trajet des îles de la Société aux Moluques ; l’équipage de la Pandora, commandée par le capitaine Edward, s’étoit sauvé de même. Il étoit impossible de ne pas rapprocher des circonstances qui devoient avoir été les mêmes, et de ne pas regarder comme prouvé, qu’avec de l’eau et des vivres, même en petite quantité, on peut arriver enfin à quelques-uns des établissemens Européens. Les vents ne sont jamais assez violens entre les tropiques, dans toute l’étendue de la zone qui fait partie de l’océan Pacifique, pour faire courir de grands dangers à une chaloupe, ni même à un canot.
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