distraire traire votre esprit d’une préoccupation funeste.
J’aime !
Qu’aimez-vous ?
Une chose belle et pleine de graces.
La grace et la beauté sont des attributs qui ne s’appliquent pas à un seul ordre d’objets ni à tous les individus d’un même ordre[1]. Aussi ne nous avez-vous pas fait comprendre par ces mots l’être particulier que vous aimez.
Eh bien ! je me servirai du nom de femme.
Sous ce nom de femme, les comprenez-vous toutes ?
Non pas toutes généralement, mais une en particulier.
Ce qu’on dit d’un sujet ne peut s’entendre que quand le sujet est déterminé. Si donc vous voulez que nous connaissions les attributs, dites-nous d’abord quelle est la substance.
Drusiana.
La femme du prince Andronique !
Elle-même.
Vous rêvez, Callimaque ; cette femme a été purifiée par le baptême.
Que m’importe ? pourvu que je puisse la rendre favorable à mon amour !
Vous ne le pourrez pas.
Pourquoi cette défiance ?
Parce que vous entreprenez une chose trop difficile.
Suis-je le premier qui tente une chose difficile, et de nombreux exemples ne doivent-ils pas m’encourager à tout oser ?
Écoutez-moi, frère : celle pour laquelle vous brûlez, suit la doctrine de l’apôtre saint Jean ; elle s’est vouée entièrement à Dieu, à tel point que rien n’a pu lui persuader de rentrer dans le lit de son époux Andronique, homme très chrétien. Encore bien moins consentira-t-elle à satisfaire vos vains désirs.
Je vous ai demandé des consolations, et vous enfoncez le désespoir dans mon cœur !
Feindre, c’est tromper ; celui qui flatte vend la vérité.
Puisque vous me refusez votre secours, j’irai trouver Drusiana et par mes discours passionnés j’amènerai son âme à partager mon amour.
Vous n’y parviendrez pas.
C’est qu’alors j’aurai les destins contre moi[2]
C’est une épreuve à tenter.
Scène III.
C’est à vous que je parle, Drusiana, à vous que j’aime du plus profond-de mon âme.
Je ne comprends pas, Callimaque, ce que vous voulez de moi en m’adressant la parole.
Vous ne le comprenez pas !
Non
Je veux vous parler d’abord de mon amour.
Qu’entendez-vous par votre amour ?
J’entends que je vous aime plus que toutes choses au monde.
Quels sont les liens du sang, quels sont les nœuds formés par les lois qui vous portent à m’aimer ?
Votre beauté.
Ma beauté !
Oui, sans doute.
Quel rapport y a-t-il entre ma beauté et vous ?
Hélas ! presque aucun jusqu’à ce jour ; mais j’espère que bientôt il en sera différemment.