Page:Roswitha - Abraham, 1835.pdf/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
DULCITIUS

horrible. Je vais retourner près de ma femme ; j’apprendrai d’elle ce qui m’est arrivé. Mais la voici ; elle accourt les cheveux épars ; toute sa maison la suit en larmes.


DULCITIUS, sa femme, gardes.
LA FEMME DE DULCITIUS.

Hélas ! hélas ! monseigneur, à quel mal êtes-vous en proie ? Vous n’avez plus votre raison, Dulcitius vous êtes devenu un objet de risée pour les chrétiens.

DULCITIUS.

Oui, je le sens enfin ; j’ai été le jouet des maléfices de ces femmes.

LA FEMME DE DULCITIUS.

Ce qui me confondait surtout, ce qui me contristait le plus, c’est que vous ne connussiez pas votre mal.

DULCITIUS, aux gardes.

J’ordonne qu’on expose en place publique ces filles impudiques, qu’on leur arrache leurs vêtements et qu’on les livre aux regards du peuple. Il faut, à leur tour, qu’elles sachent à quels outrages nous pouvons les condamner.



Scène X.

les gardes, DULCITIUS, endormi sur son tribunal.
LES GARDES.

Nous nous fatiguons en vain, nos efforts sont inutiles, les vêtements de ces vierges tiennent à leurs corps autant que leur peau. Et ce n’est pas tout, Dulcitius lui-même, qui nous pressait de les dépouiller, s’est endormi et ronfle sur son siège, il n’y a pas moyen de le réveiller. Allons trouver l’empereur et informons-le des choses qui se passent.



Scène XI.

L’EMPEREUR DIOCLÉTIEN, seul.

J’apprends avec peine que le commandant de mes gardes, Dulcitius, a été en butte aux insultes, aux outrages et à la calomnie. Mais pour que ces méprisables femmelettes ne puissent se vanter d’insulter impunément nos dieux et se jouer de ceux qui les adorent, je vais charger le comte Sisinnius d’être l’exécuteur de ma vengeance.



Scène XII.

LE COMTE SISINNIUS, les gardes.
SISINNIUS.

Soldats, où sont ces filles impudiques qui doivent subir la torture ?

LES GARDES.

Elles sont en prison.

SISINNIUS.

Retenez Irène et faites avancer les autres.

LES GARDES.

Pourquoi exceptez-vous la seule Irène ?

SISINNIUS.

Par pitié pour sa jeunesse. Peut-être sera-t-elle convertie plus aisément, si elle n’est point intimidée par la présence de ses sœurs.

LES GARDES.

Sans doute.



Scène XIII.

les précédents, AGAPÉ, CHIONIE.
LES GARDES.

Voici celles que vous demandez.

SISINNIUS.

Agapé, Chionie, suivez mes conseils.

AGAPÉ.

Non ; nous ne les suivrons pas.

SISINNIUS.

Venez offrir des libations aux dieux.

IRÈNE

Nous offrons sans cesse un sacrifice de louanges à Dieu le père véritable et éternel, à son fils co-éternel et à leur saint Paraclet.

SISINNIUS.

Ce n’est point là ce que je vous conseille ; je vous interdis au contraire ces pratiques sous les peines les plus sévères.

AGAPÉ.

Vos défenses sont vaines ; jamais nous ne sacrifierons aux démons.

SISINNIUS.

Que votre cœur cesse de s’endurcir ; sacrifiez aux dieux ; sinon je vous ferai mettre à mort, suivant les ordres de l’empereur Dioclétien.

CHIONIE

Il est juste que, lorsque votre empereur ordonne notre mort, vous lui obéissiez, vous qui savez que nous méprisons ses édits ; si même la pitié vous faisait tarder à lui obéir, il serait juste que vous périssiez.

SISINNIUS.

Sans délai, soldats ! sans délai, saisissez