Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/214

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Brisant les corps meurtris, avancent leur naufrage.

Dieux ! Nous ramenez-vous à ces tems désastreux,
Où, jaloux l’un de l’autre et se heurtant entr’eux,
Les élémens, conduits par un fougueux génie,
De la terre et des cieux rompirent l’harmonie,
Firent craindre au soleil une éternelle nuit,
Et déchaînant les eaux sur le globe détruit,
De l’homme en cent climats engloutirent la race ?
Hélas ! Au seul penser de ces jours de disgrâce,
Mon sang glacé s’arrête ; et ma lyre sans voix,
De larmes arrosée, échappe de mes doigts.
Muse ! Reprens ta lyre ; et sans vouloir connoître
De quel pouvoir secret ce désordre a pu naître,
Graves-en dans tes vers la ténébreuse horreur :
Dis comment de son lit l’océan en fureur
S’élança sur la terre, et la couvrit d’abymes.
Des monts voisins du ciel il inonde les cîmes,
Les fracasse ; et s’ouvrant un passage en leur sein,
Pour de nouvelles mers creuse un nouveau bassin.