Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome II, 1930.djvu/14

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« — Très bien ; je veux que vous m’apparteniez entièrement un an après que le pont sera terminé, j’ai besoin de vous.

« — C’est convenu, je vous donne ma parole. »

« Le visiteur inattendu s’absente quelques instants et revient ensuite accompagné d’une vingtaine d’ouvriers forts et vigoureux. Quinze jours sont à peine écoulés, que le pont est complètement fini et accepté par la municipalité comme étant parfaitement solide et exécuté suivant les conditions du contrat.

« Le constructeur reçoit le prix de son entreprise et achète aussitôt une ferme d’une grande étendue, sur laquelle il semble vivre content et heureux, suivant ses désirs. Toinette, — c’est le nom de la femme de l’entrepreneur, — s’aperçoit cependant, vers la fin de l’année écoulée depuis que le pont est construit, que son mari n’est plus le même ; une profonde mélancolie a remplacé la gaieté qui éclatait jadis sur sa figure. Elle l’assiège de questions pour connaître la cause du chagrin qui le dévore ; mais le mari reste muet. Toinette fait enfin un assaut si redoutable sur le cœur de son mari, que celui-ci s’avoue vaincu et lui raconte le marché qu’il a conclu avec un étranger, lorsqu’il a construit son célèbre pont.

« — Malheureux ! Imprudent ! s’écrie la femme, tu t’es vendu au diable. »

« Et la maison retentit alors des sanglots de Toinette et de son mari. Mais à quoi servent les lamen-