Amérique, ô ma patrie,
Dans ce grand siècle agité,
N’es-tu pas l’Arche chérie
Ouverte à l’humanité ?
N’offres-tu pas tes savanes,
Tes forêts et tes vallons,
Aux nombreuses caravanes
De toutes les nations ?
N’as-tu pas des champs fertiles,
Entre tes deux océans,
Pour servir toujours d’asiles
À cent peuples d’émigrants ?…
Au progrès, à la science,
Ouvre tes bras maternels ;
À l’âme, à la conscience,
Rends tous ses droits éternels !
Sous ta céleste bannière,
Abrite la Liberté,
Et sois l’Arche hospitalière
De toute l’humanité !
Les peuples du vieux Monde, aux costumes bizarres,
Dans leurs berceaux obscurs naquirent des Barbares ;
Mais des peuples, polis par les arts et la foi,
Dans un Monde nouveau se forme un peuple-roi !
Entre le Monde ancien et la jeune Amérique,
Pour mieux la protéger, Dieu plaça l’Atlantique :
Au peuple Américain, vers l’avenir lancé,
Qu’importe l’Orient ? qu’importe le Passé ?
L’Orient, dans son culte et sa vieillesse austère,
Vénérable fantôme au seuil d’un cimetière,
Ne sait que lui parler des temps évanouis,
Des funèbres splendeurs et des pompeux débris :
Malgré tout le respect qu’il doit à la vieillesse,
Il se fatigue enfin à l’entendre, sans cesse,
Exalter du Passé l’immobile grandeur :
L’enfant vers l’avenir s’élance avec ardeur ;
Son âme prophétique est pleine d’espérance ;
De la gloire pour lui s’ouvre le temple immense !
Avec tous ses tombeaux, qu’importe l’Orient ?
Le Passé n’est qu’un spectre, assis sur le néant !
Le Passé vénéré n’est que cendre et poussière ;
Le poids de l’anathème est sur l’Asie entière ;
Et l’idolâtre Afrique, esclave du Démon,
baigne ses flancs d’ébène en des flots de limon !…