Page:Rouquette - La Thébaïde en Amérique, 1852.djvu/147

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donne un directeur selon notre vocation.

« Dieu a ordonné toutes choses, dit Saint-Paul, si bien, que, comme nous voyons des sympathies d’humeurs qui produisent les plus fermes amitiés, il s’en rencontre de semblables entre les esprits, d’où naissent les alliances spirituelles. C’est la cause de ce que l’expérience nous fait voir, que quelques personnes de médiocre capacité feront de plus puissantes impressions sur certaines âmes, et gagneront plus sur leur volonté, que de grands théologiens, et des langues disertes, qui n’auront pas cette secrète correspondance. » (Les triomphes que la vie Religieuse etc. par R. P. Ives de Paris, capucin, p. 724.)

Ce n’est donc pas précisément et toujours le degré de science ou de sainteté qui nous influence et nous détermine dans le choix d’un directeur ; ce n’est pas non plus ce qui constitue essentiellement une bonne et puissante direction : mais, c’est un attrait mystique, une secrète correspondance, une sorte d’intuitive compréhension, une intime et divine sympathie, une merveilleuse convenance mutuelle et une aptitude à se mettre à l’unisson, à s’accorder en Dieu et pour Dieu. Il y a aussi une science infuse dans la direction ; et Dieu donne souvent cette science à tel ou tel directeur qu’il suscite pour des personnes exceptionnelles, et qu’il éclaire d’une manière particulière, dans des cas réservés. La science acquise se trouve souvent du plomb auprès de l’or pur et resplendissant de cette autre science intuitive et infuse, qui illumine soudain telle humble et silencieuse intelligence, telle âme solitaire et méconnue, dont Dieu se sert, quand, et comme il lui plaît, pour éclairer et diriger d’autres âmes, non moins incomprises et méconnues qu’elle-même. Non, ce n’est pas le nombre des années, ce n’est pas la longue et discursive expérience qui fait le degré et l’étendue de la science : il y a, pour certains hommes, une voie abrégée, une échelle rapide pour atteindre au sommet lumineux, où les autres n’arrivent qu’en gravissant avec lenteur et péniblement. Les uns ont besoin d’un pont ; les autres bondissent à travers l’abîme ! Les uns voient la lumière mêlée aux ténèbres ; les autres voient, en quelque sorte, la lumière dans la lumière ! Les uns sont des hommes d’étude ; les autres, des hommes d’oraison et d’amour !

Aimer, prier, se mortifier, s’abstraire des conversations futiles et des nouvelles courantes, se tenir toujours recueilli et attentif, pour contempler Dieu au-dedans de soi et hors de soi en toutes choses ; être humblement et tranquillement passif sous l’action du Saint-Esprit, comme un miroir brillant, comme une eau calme et limpide l’est sous celle de la lumière, tel est le plus sûr et le plus court chemin à la vraie et haute théologie mystique ; à l’humble et ardente science des Saints.

C’est par la prière intérieure et un profond repos, plutôt que par l’étude et un inquiet empressement, que l’on obtient d’en haut la science ou l’amour, ce qui est la même chose ; car aimer, c’est apprendre, c’est savoir ; l’amour, c’est la science des Saints : celui qui aime sait tout !

« Il ne faut pas être surpris si Dieu destine à de telles personnes, (celles qui marchent dans des voies extraordinaires,) certains hommes choisis qui les secourent dans tous les besoins de l’âme et du corps. Sans cela il est sûr qu’elles ne pourraient pas vivre. De même que notre Seigneur Jésus-Christ confie sa mère à Saint-Jean, pour qu’il en prît un soin tout particulier ; de même il confie les personnes qui lui sont spécialement chères à des directeurs remplis de son esprit, pour veiller à leurs âmes et à leurs corps ; et il assure ces services en