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DÉDICACE

Ce livre a été conçu et médité dans la solitude tranquille du désert, dans l’austère et harmonieuse Thébaïde du Lacombe ; il a été formulé et achevé dans la demi-solitude, que nous nous sommes bâtie à grand’peine au cœur de la Cité bruyante et commerciale : Ce livre est donc à la fois un fruit du désert et de la Cité : Puisse-t-il avoir conservé sa sève native, son parfum sauvage et érémitique, tout en perdant ses plus rudes aspérités et ses épines les plus aiguës.

On demandera sans doute, pour qui et pourquoi nous avons écrit ce livre : Pour qui ? c’est pour le petit nombre ; — pourquoi ? c’est pour revendiquer un droit divin et justifier l’exercice de ce droit imprescriptible.

Si ce livre vous déplaît, laissez-le : il ne vous regarde pas. Si vous vous plaisez dans le monde, restez-y : personne ne vous force de le quitter, et la solitude n’a pas besoin de vous : mais ne vous avisez pas de contester à quelques-uns le droit de vous quitter, de se retirer dans la solitude, et d’y vivre heureux, sans vous, sans votre secours, et malgré votre colère impuissante, votre blâme injuste et votre folle dérision.

Ainsi, ce livre ne s’adresse pas à vous, hommes et femmes du monde, protestants et chrétiens mondains : notre langage vous est inconnu ; vous n’y comprendriez rien ; il vous paraîtrait un scandale et une folie : laissez donc ce livre ; il n’a pas été écrit pour vous.

À qui le dédierons-nous, dans un siècle, et dans un pays, où la tendance générale est vers le perfectionnement matériel, cette plaie désespérée des sociétés modernes ? À qui dédierons-nous ce livre d’ascétisme et de spiritualité, dans un âge de licence et de matérialisme, comme est celui où nous vivons avec agitation ?

Nous le dédions « aux hommes dont l’intelligence n’est pas obscurcie par la prévention, ni le cœur abaissé par la grossièreté d’une vie tout extérieure et sensuelle. »

Nous le dédions aux Pontifes de Jésus-Christ, qui ne sont revêtus de la plénitude du sacerdoce que pour être les proclamateurs énergiques de la vérité, les ennemis de toute doctrine perverse ; que pour parler et agir avec plus d’indépendance et de courage, en travaillant sans relâche à la glorification des âmes que Dieu confie à leur sollicitude.

Nous le dédions aux Prêtres zélés, aux Apôtres de l’Évangile, qui ne sont envoyés, et éclairés d’en haut, qui ne sont préposés dans l’Église que pour dis-