Page:Rouquette - La Thébaïde en Amérique, 1852.djvu/159

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« avantageux. Les hommes qui ont assez de courage et de force pour embrasser ce genre de vie, ont la liberté de rentrer en eux-mêmes toutes les fois qu’ils le désirent ; de se retirer et de se reposer dans le plus secret de leur cœur ; de cultiver et de faire croître incessamment en eux les vertus, et de se nourrir avec délice des fruits de ce paradis, terrestre et spirituel à la fois, dans lequel ils ont le bonheur de vivre. C’est dans cette séparation du monde, que l’on purifie et que l’on rend clair-voyants ces yeux de l’âme, dont les regards vifs et pénétrants blessent le cœur de l’Époux par un amour pur et saint ; et c’est avec ces yeux que l’on contemple attentivement les choses du ciel et la majesté même de Dieu. On y jouit d’un loisir tout occupé de ce qu’il y a de plus sérieux et de plus important dans la vie des hommes ; et on s’y repose dans une action toute tranquille et dans un travail continuel, sans y rien sentir du tumulte et de l’agitation du monde. Et Dieu donne aux athlètes, qui s’exercent à cet aimable travail, en combattant les passions et les vices, la récompense qu’ils désirent, c’est-à-dire, cette précieuse paix que le monde ne connaît point, et cette joie céleste que le Saint-Esprit répand dans le cœur. La vie retirée est cette belle Rachel qui était plus chère à Jacob que Lia, quoiqu’elle lui donnât moins d’enfants. Il est certain que la génération spirituelle de ceux qui s’appliquent à la contemplation n’est pas si nombreuse que celle des personnes qui sont occupées aux exercices de la vie active… Joseph et Benjamin furent plus aimés de Jacob que tous leurs autres frères. Cet exercice de la contemplation, où l’on est dans la retraite, est cette meilleure part que Marie a choisie, et qui ne lui sera pas ôtée. » (St-Bruno.)

« Venez-y prêtres du Seigneur, respectables ministres du Dieu vivant : la retraite vous est si utile et nécessaire, qu’un saint et illustre personnage de ce dernier temps ne fait pas difficulté d’avancer, que de demander si un prêtre doit aimer et rechercher la retraite, c’est demander si un prêtre doit être prêtre ; et si ayant le caractère du sacerdoce, il doit en avoir l’esprit. En effet, pourquoi le Dieu d’Israël nous a-t-il séparés et distingués de tout le peuple ? Pourquoi nous a-t-il obligés de le servir assidûment dans le culte de son tabernacle ? Pourquoi veut-il que nous gémissions continuellement entre le vestibule et l’autel ? N’est-ce pas pour nous faire comprendre que la vie d’un prêtre doit être une retraite presque continuelle. Ô ! si nous avons besoin de l’esprit de Dieu pour nous sanctifier et sanctifier les autres, sur qui pensez-vous que l’esprit divin se repose, demande le Prophète, si ce n’est sur celui qui fuit l’éclat, qui aime la vie caché, et qui se plaît dans le doux repos de la retraite : Nisi super quietum et humilem. » (Le Père Brydayne.)

« Qui me donnera des ailes comme à une colombe, et je m’envolerai en quelque lieu si éloigné du monde, et si séparé de toute créature, que je n’aurai plus de rapport avec lui, ni de commerce avec elle. Je cherche quelque chose qui n’est pas de ce monde, et qui ne se trouve pas parmi les choses créées. L’idée que j’en ai conçue m’en donne de l’amour, l’amour m’en donne du désir, mais ce désir ne produit que des soupirs ; et il me semble que plus mon cœur s’élève vers cet objet, plus cet objet se hausse et s’éloigne de mon cœur : Il n’en est pas de même des créatures ; elles me suivent partout, elles m’importunent, elles se présentent sans cesse à mes yeux, elles entrent dans mon esprit, elles le partagent et y portent avec elles l’inquiétude et la dissipation…… Je laisse là le monde comme il est, et je ne veux, plus en entendre parler ; je romps avec lui pour jamais, et je comprends dans cette rupture non seulement ceux qui l’aiment, et qui le servent, mais généralement toutes les personnes qui sont dans le monde, sans en excepter celles qui me touchent de plus près, et qui me sont le plus unies par les liens du sang et de l’amitié, et sans m’excepter moi-même, autant que cela se peut faire, et dans toute l’étendue que Dieu me fera connaître. Plus d’entretiens, plus de commerce, plus de communication avec qui que ce soit, à moins que je n’y sois contraint par des nécessités indispensables.

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« Seigneur, faites que je puisse me passer de toutes les créatures, et qu’elles puissent se passer toutes de moi ; que je trouve en vous seul tout ce que je pourrais recevoir d’elles, et elles tout ce qu’elles pourraient recevoir ou attendre de moi ! Menez-moi, Seigneur, dans cette solitude sacrée, dans laquelle vous parlez au cœur de ceux qui vous aiment ; apprenez au mien la science de vous plaire, et dites-lui tout ce qu’il faut qu’il