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LE GRAND SILENCE BLANC

La pancarte obtint un beau succès et le pianiste fut accepté. Il put dès lors, du soir au matin, moudre des fox-trotts, des one-steps, des two-steps, et des valses pour la plus grande joie des garçons et des dancing-girls, mais surtout pour le plus grand bénéfice de Ned Douglas, tenancier pratique, qui faisait payer aux danseurs un dollar par danse.

La vie quotidienne s’écoulait avec des heures de travail, de plaisir ou de peine. Chacun prenait ce qui lui revenait, selon son lot.

Sandrino — ai-je dit que le pianiste était Florentin ? — Sandrino faisait son métier avec conscience, dans l’atmosphère lourde de fumée et d’alcool. Il poussait même la complaisance jusqu’à éviter de tousser pendant les danses.

Mais à la mi-temps il sortait, et le monstre enchaîné dans sa poitrine alors se déchaînait. Il toussait, il toussait à se déchirer les poumons. Une mousse sanglante émergeait à la commissure des lèvres… puis il rentrait, un peu plus pâle, le regard encore agrandi ; il buvait un grand verre de lait, ce qui lui valait les sempiternelles plaisanteries des buveurs de whisky, puis il s’accroupissait devant sa boîte et, en avant, recommençait à moudre des airs sautillants et gais…

Quelquefois, un mineur en goguette priait Sandrino de lui accompagner un air de son pays, car tous ces aventuriers, qui affectaient de n’être