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LE GRAND SILENCE BLANC

sans transition, mettant à nu le granite primordial.

Strates régulières, déchirures aiguës, arêtes vives, le mont se dresse à pic à des centaines et des centaines de pieds, tout pareil au jour où il jaillit, du soulèvement primitif, venant du tréfonds des entrailles terrestres pour dire à l’Océan : « Arrête, tu n’iras pas plus loin. »

La main de Jessie Marlowe a saisi ma main. Tout à coup, le soleil déchire le voile de brume qu’il effiloche et jette au loin. Ses rayons dorent la muraille ocre et terre de sienne ; c’est une harmonie magistrale et je sens les ongles de Jessie qui se plantent dans ma paume. Elle est secouée d’un frisson. Mais elle se reprend aussitôt, murmure l’inévitable : I’m very sorry et, pour me punir d’avoir vu son frémissement en face de la majesté impérissable de la nature, elle me quitte brusquement.



Un sifflement. Un cri horrible. Un tumulte de pas précipités. À nouveau, des cris… Je sors de ma cabine pour aller aux nouvelles. Un groupe remonte de la chambre des machines. Les gémissements finissent en une plainte rauque et continue. Je m’informe. Un retour de vapeur a brûlé,