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Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/44

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LE GRAND SILENCE BLANC

dérer son ardeur. Allez donc vous faire écouter de ces labradors et de ces huskies conduits comme des enragés par un fou comme Tempest.

Je laisse aller, les guides molles. Les chiens, ne se sentant plus soutenus, redoublent d’ardeur. Nous prenons des virages fantastiques, mon équipe est attelée à la façon indienne ; automatiquement, l’éventail se referme. Nous frôlons des gouffres sombres, nous rasons des sapins dont les branches me giflent au passage.

— Holà, démons, arrêtez-vous !

Le team n’obéit plus à ma voix. Les chiens suivent, la langue en loque, les flancs en soufflet, Tempest qui tire, tire, tire…

J’ai la sensation nette qu’au premier tournant, nous allons nous briser. Il n’en est rien. Le virage est pris avec une courbe savante, nous dévalons. Enfin, nous voilà dans la plaine…

Alors, seulement, Tempest s’arrête, les jarrets raidis, comme pour soutenir seul toute la charge. Heureusement, les autres chiens ont aussi freiné. Je tombe moi-même sur les genoux ; n’importe, ils ont reçu un fameux choc. Le traîneau patine. Trois chiens s’affaissent dans la neige en hurlant… Je me précipite. Un examen sommaire. Rien de cassé. Je saute sur le siège.

— Allons, mes petits frères, en route !

Personne ne bouge. Je descends et les excite de la voix :

Mush on, mush on, boys