Page:Rousseau - Œuvres de J B Rousseau, nouvelle édition, Tome I, 1820.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et mes yeux, noyés de larmes,
Étoient lassés de s’ouvrir.[1]
Je disois à la nuit sombre :
O nuit, tu vas dans ton ombre
M’ensevelir pour toujours !
Je redisois à l’aurore :
Le jour que tu fais éclore
Est le dernier de mes jours !

Mon âme est dans les ténèbres,
Mes sens sont glacés d’effroi :
Écoutez mes cris funèbres,
Dieu juste, répondez-moi.
Mais enfin sa main propice
A comblé le précipice
Qui s’entr’ouvroit sous mes pas :
Son secours me fortifie,
Et me fait trouver la vie
Dans les horreurs du trépas.

Seigneur, il faut que la terre
Gonnoisse en moi vos bienfaits :
Vous ne m’avez fait la guerre
Que pour me donner la paix.

  1. Lassés de s’ouvrir. Cette expression étoit trop belle pour
    échapper à Voltaire, adroit imitateur et souvent plagiaire hardi
    de ceux même de nos maîtres qu’il a le plus dénigrés. Il a dit
    dans Semiramis :
    O voiles de la mort ! quand viendrez-vous couvrir
    Mes yeux remplis de pleurs, et lassés de s’ouvrir ?