Page:Rousseau - Œuvres de J B Rousseau, nouvelle édition, Tome I, 1820.djvu/429

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Et, si ce n’est pour partager ma flamme,
Reviens du moins pour hâter mon trépas.
C’est ainsi qu’en regrets sa douleur se déclare:
Mais bientôt, de son art employant le secours,
Pour rappeler l’objet de ses tristes amours,
Elle invoque à grands cris tous les Dieux du Ténare, [1]
Les Parques, Némésis, Cerbère, Phlégéton,
Et l’inflexible Hécate, et l’horrible Alecton.
Sur un autel sanglant l’affreux bûcher s’allume,
La foudre dévorante aussitôt le consume ;
Mille noires vapeurs obscurcissent le jour ;
Les astres de la nuit interrompent leur course ;
Les fleuves étonnés remontent vers leur source ;
Et Pluton même tremble en son obscur séjour.
Sa voix redoutable[2]
Trouble les enfers ;
Un bruit formidable
Gronde dans les airs ;
Un voile effroyable
Couvre l’univers;
La terre tremblante

  1. Elle invoque à grands cris, etc. Nous n’avons rien de plus beau
    dans notre langue, en ce genre de description. Ce sont les couleurs
    d’Homère et de Virgile, habilement fondues, sous le pinceau
    d’un maître digne de leur école.
  2. Sa voix redoutable, etc. Comme les images se pressent, s’accumulent,
    dans ces vers rapides et entraînants ! Comme le trouble
    et le désordre de la nature entière y sont caractérisés !