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154 LETTRES SUR LA VERTU

prête de l’univers, ne se doutait pas même des prodiges de rélectriçilé qui paraît être le principe le plus actif de la nature. La plus commune de ses opérations et la plus facile à observer, savoir la multiplication des végétaux par leurs germes, est encore à connaître, et Ton y découvre chaque jour des faits nouveaux qui renversent tous les raisonnements. — Le Pline de notre siècle, voulant déve- lopper le mystère de la génération, s’est vu forcé dp recourir à un principe inintelligible et inconciliable avec les lois de la mécanique et du inouvement, et nous avons beau tout expliquer, partout nous trouvons des difficultés inexplicables, qui nous montrent que nous n’avons, nulle notion certaine de rien.

Vous avez pu voir dans la statue de l’abbé de Condillac quel degré de connaissance appartiendrait à chaque sens s’ils nous étaient donnés séparément, et les raisonnements bizarres que feraient sur la nature des choses, des êtres doués de moins d’organes que nous n’en avons. À votre avis, que diraient à leur tour de nous d’autres êtres doués d’autres sens qui sont inconnus : comment prou- ver que ces nouveaux sens ne peuvent exister, et qu’ils n’éclairciraient pas les ténèbres que les nôtres ne peuvent détruire ?

Il n’y a rien de fixe sur le nombre des sens nécessaires pour donner le sentiment et la vie à un être corporel et organisé. Considérons les animaux : plusieurs ont moins de sens que nous, pourquoi d’autres n’en auraient-ils pas davantage ? Pourquoi n’en auraient-ils pas qui nous seront éternellement inconnus, parce, qu’ils n’offrent aucune prise aux nôtres, et par lesquels on expliquerait ce qui nous semble inexplicable dans plusieurs actions des bêtes.