Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/284

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258 FRAGMENTS

des sucs condensés durant la nuit qui peuvent servir de nourriture.

Enfin, souvent la terre aride et stérile, sans rien pro- duire à sa surface, ne laisse pas de fournir médiatement la subsistance à ses habitants, soit par l’exploitation des mines qu’on trouve dans ses entrailles, soit par la commo- dité des transports qui donne à ceux qui Thabit^fit le moyen d’aller partout faire échange de leurs travaux et de leurs personnes contre les choses dont ils ont besoin.

Si toute la terre était également fertile, peut-être les hommes ne se fussent-ils jamais rapprochés. Mais la néces- sité, mère de Tindustrie, les a forcés de ce rendre utiles les uns aux autres pour Fêtre à eux-mêmes. C’est par ces communications, d’abord forcées, puis volontaires, que leurs esprits se sont développés, qu’ils ont acquis des ta- lents, des passions, des vices, des vertus, des lumières, et qu’ils sont devenus tout ce qu’ils peuvent être en bien et en mal. L’homme isolé demeure toujours le même, il ne fait de progrès qu’en société.

D’autres causes, plus fortuites en apparence, ont con- couru à disperser les hommes inégalement dans des lieux, à les rassembler par pelotons dans d’autres, et à resserrer ou à relâcher les liens des peuples selon les accidents qui les ont réunis ou séparés. Des tremblements de terre, des volcans, des embrasements, des inondations, des déluges, changeant tout à coup, avec la face de la terre, le cours que prenaient les sociétés humaines, les ont combinées d’une manière nouvelle, et ces combinaisons, dont les premières causes étaient physiques et naturelles,, sont de- venues, par fruit du temps, les causes morales qui changent l’état des choses, ont produit des guerres, des émigrations.