Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t10.djvu/342

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je devois partir de cette opinion pour me confirmer dans ma résolution précédente. Je ne fis point ainsi. Je tendis tous les ressorts de mon esprit pour chercher comment on pouvoit guérir d’un polype au cœur, résolu d’entreprendre cette merveilleuse cure. Dans un voyage qu’Anet avoit fait à Montpellier pour aller voir le jardin des plantes & le démonstrateur M. Sauvages, on lui avoit dit que M. Fizes avoit guéri un pareil polype. Maman s’en souvint & m’en parla. Il n’en fallut pas davantage pour m’inspirer le desir d’aller consulter M. Fizes. L’espoir de guérir me fait retrouver du courage & des forces pour entreprendre ce voyage. L’argent venu de Geneve en fournit le moyen. Maman loin de m’en détourner m’y exhorte ; me voilà parti pour Montpellier.

Je n’eus pas besoin d’aller si loin pour trouver le médecin qu’il me falloit. Le cheval me fatiguant trop, j’avois pris une chaise à Grenoble. À Moirans cinq ou six autres chaises arriverent à la file après la mienne. Pour le coup c’étoit vraiment l’aventure des brancards. La plupart de ces chaises étoient le cortege d’une nouvelle mariée appellée Madame de ***.

[Colombier] . Avec elle étoit une autre femme appellée Madame de N***.

[Larnage] , moins jeune & moins belle que Madame de***,

[Colombier] , mais non moins aimable & qui de Romans où s’arrêtoit celle-ci devoit poursuivre sa route jusqu’au ***.

[Bourg St. Andiol] près le Pont St. Esprit. Avec la timidité qu’on me connoît, on s’attend que la connoissance ne fut pas si-tôt faite avec des femmes brillantes & la suite qui les entouroit : mais enfin suivant la même route, logeant dans les mêmes auberges,