Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/411

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attendre que d’un miracle, ni par l’idée d’une réparation qui put flatter son cœur. Mettez-vous un moment à sa place, & sentez ce qu’il doit penser de la génération présente & de sa conduite à son égard. Après le plaisir qu’elle a pris à le diffamer en le cajolant, quel cas pourroit-il faire du retour de son estime, & de quel prix pourroient être à ses yeux les caresses sinceres des mêmes gens qui lui en prodiguèrent de si fausses avec des cœurs pleins d’aversion pour lui ? Leur duplicité leur trahison leur perfidie ont-elles pu lui laisser pour eux le moindre sentiment favorable, & ne seroit-il pas plus indigne que flatte de s’en voir fête sincérement avec les mêmes démonstrations qu’ils employèrent si long-tems en dérision à faire de lui le jouet de la canaille.

Non, Monsieur, quand tes contemporains ; aussi repentans & vrais qu’ils ont été jusqu’ici faux & cruels à son égard, reviendroient enfin de leur erreur ou plutôt de leur haine, & que réparant leur longue injustice, ils tâcheroient à force d’honneurs de lui faire oublier leurs outrages, pourroit-il oublier la bassesse & l’indignité de leur conduite, pourroit-il cesser de se dire que quand même il eut été le scélérat qu’ils se plaisent à voir en lui, leur maniere de procéder, avec ce prétendu scélérat, moins inique, n’en seroit que plus abjecte, & que s’avilir autour d’un monstre à tant de manèges insidieux étoit se mette soi-même au-dessous de lui ? Non, il in est plus au pouvoir de ses contemporains de lui ôter le dédain qu’ils ont tant pris de pleine inspire. Devenu même insensible à leurs insultes comment pourroit-il être touche de leurs éloges ? Comment pourroit-il agréer le retour tardif &