Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/433

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bonne œuvre ; sur au contraire que si c’étoit réellement une bonne œuvre, loin de l’exhorter à y concourir, tout se réuniroit pour l’en empêcher de peur qu’il n’en eut le mérite, & qu’il n’en résultat quelque effet en sa faveur.

Par les mesures extraordinaires qu’on prend pour altérer & défigurer ses écrits & pour lui en attribuer auxquels il n’a jamais songe, vous devez juger que l’objet de la ligue ne se borne pas à la génération présente, pour qui ces soins ne sont plus nécessaires, & puisqu’ayant sous les yeux ses livres, tels à-peu-près qu’il les a composes, on n’en a pas tire l’objection qui nous paroît si forte à l’un & à l’autre contre l’affreux caractere qu’on prête à l’auteur ; puisqu’au contraire on les a su mettre au rang de ses crimes, que la profession de foi du Vicaire est devenue un écrit impie, l’Heloise un roman obscène, le Contrat Social un livre séditieux ; puisqu’on vient de mettre à Paris Pygmalion malgré lui sur la scene tout exprès pour exciter ce risible scandale qui n’a fait rire personne, & dont nul n’a senti la comique absurdité : puisqu’enfin ces écrits tels qu’ils existent n’ont pas garanti leur auteur de la diffamation de son vivant, l’en garantiront-ils mieux après sa mort quand on les aura mis dans l’état projette pour rendre sa mémoire odieuse, & quand les auteurs du complot auront eu tout le tems d’effacer toutes les traces de son innocence & de leur imposture ? Ayant pris toutes leurs mesures en gens prévoyans & pourvoyans qui songent à tour, auroient-ils oublie la supposition que vous faites du repentir de quelque complice, du moins à l’heure de la mort, & les déclarations incommodes qui pourroient en résulter s’ils n’y mettoient ordre