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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/437

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Dans l’objet de disposer par leurs disciples de l’opinion publique & de la réputation des hommes, ils ont assorti leur doctrine à leurs vues, ils ont fait adopter à leurs sectateurs les principes les plus propres à se les tenir inviolablement attaches, quelque usage qu’ils en veuillent faire, & pour empêcher que les directions d’une importune morale ne vinssent contrarier les leurs, ils l’ont sappée par la base en détruisant toute religion, tout libre-arbitre, par conséquent tout remords, d’abord avec quelque précaution par la secrète prédication de leur doctrine, & ensuite tout ouvertement, lorsqu’ils n’ont plus eu de puissance réprimante à craindre. En paroissant prendre le contre-pied des Jésuites ils ont tendu néanmoins au même but par des routes détournées en se faisant comme eux chefs de parti. Les Jésuites se rendoient tout puissans en exerçant l’autorise divine sur les consciences, & se faisant au nom de Dieu les arbitres du bien & du mal. Les philosophes ne pouvant usurper la même autorise se sont appliques à la détruire, & puis en paroissant expliquer la nature *

[* Nos Philosophes ne manquent pas d’étaler pompeusement ce mot de Nature à la tête de tous leurs écrits. Mais ouvrez le livre & vous verrez quel jargon métaphysique ils ont décore de ce beau nom.] à leurs dociles sectateurs, & s’en faisant les suprêmes interprétés, ils se sont établis en son nom une autorise non moins absolue que celle de leurs ennemis, quoiqu’elle paroisse libre & ne régner sur les volontés que par la raison. Cette haine mutuelle étoit au fond une rivalité de puissance comme celle de Carthage & de Rome. Ces deux corps, tous deux impérieux, tous deux intolerans, étoient