Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/458

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un bienfait du Ciel qui m’avoit empêche d’accomplir un dessein si contraire à mes intérêts ; je trouvai que c’étoit un grand avantage que mon manuscrit me fut reste pour en disposer plus sagement, & voici l’usage que je résolus d’en faire.

Je venois d’apprendre qu’un homme de lettres de ma plus ancienne connoissance avec lequel j’avois eu quel que liaison, que je n’avois point cesse d’estimer, & qui passoit une grande partie de l’année à la campagne, étoit a Paris depuis peu de jours. Je regardai la nouvelle de son retour comme une direction de la providence, qui m’indiquoit le vrai dépositaire de mon manuscrit. Cet homme étoit, il est vrai, Philosophe, Auteur, Académicien, & d’une Province dont les habitans n’ont pas une grande réputation de droiture : mais que faisoient tous ces préjugés contre un point aussi bien établi que sa probité l’étoit dans mon esprit ? L’exception, d’autant plus honorable qu’elle étoit rare ne faisoit qu’augmenter ma confiance en lui, & quel plus digne instrument le Ciel pouvoit-il choisir pour son œuvre, que la main d’un homme vertueux ?

Je me détermine donc ; je cherche sa demeure ; enfin je la trouve, & non sans peine. Je lui porte mon manuscrit, & je le lui remets avec un transport de joie avec un battement de cœur qui fut peut- être le plus