Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/459

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digne hommage qu’un mortel ait pu rendre à la vertu. Sans savoir encore de quoi il s’agissoit, il me dit en le recevant qu’il ne seroit qu’un bon & honnête usage de mon dépôt. L’opinion que j’avois de lui me rendoit cette assurance très-superflue.

Quinze jours après je retourne chez lui, fortement persuade que le moment étoit venu ou le voile de ténèbres qu’on tient depuis vingt ans sur mes yeux alloit tomber, & que de maniere ou d’autre, j’aurois démon dépositaire des éclaircissemens qui me paroissoient devoir nécessairement suivre de la lecture de mon manuscrit. Rien de ce que j’avois prévu n’arriva. Il me parla de cet écrit comme il m’auroit parle d’un ouvrage de littérature que je l’aurois prie d’examiner pour n’en dire son sentiment. Il me parla de transpositions à faire pour donner un meilleur ordre a mes matieres : mais il ne me dit rien de l’effet qu’avoit fait sur lui mon écrit ni de ce qu’il pensoit de l’auteur. Il me proposa seulement de faire une édition correcte de mes œuvres en me demandant pour cela mes directions. Cette même proposition qui m’avoit été faite, & même avec opiniâtreté par tous ceux qui m’ont entoure me fit penser que leurs disposition & les siennes étoient les mêmes. Voyant ensuite que sa proposition ne me plaisoit point il offrit de me rendre mon dépôt. Sans accepter cette offre je le priai seulement