Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/58

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qui leur sont aussi méprisables que nécessaires, comme ces vases dont on se sert tous les jours pour les plus pensables besoins. J’aurois défie tous les coureurs de filles de Paris d’écrire jamais une seule des lettres de l’Heloise, & le livre entier, ce livre dont la lecture me jette dans les plus angéliques extases seroit l’ouvrage d’un vil débaucha ! comptez, Monsieur, qu’il n’en est rien : ce n’est pas avec de l’esprit & du jargon que ces choses-la se trouvent. Vous voulez qu’un hypocrite adroit qui ne marche à ses fins qu’s forcé de ruse & d’astuce aille étourdiment se livrer à l’impétuosité de l’indignation contre tous les états contre tous les partis sans partis sans exception, & dire également les plus dures vérités aux uns & aux autres. Papistes, huguenots, grands, petits, hommes. femmes, robins, soldats, moines, prêtres, Dévots, médecins, philosophes, Tros Rutulusve fuat, tout est peint tout est démasque sans jamais un mot d’aigreur ni de personnalité contre qui que ce soit, mais sans ménagement pour aucun parti. Vous voulez qu’il ait toujours suivi sa fougue au point d’avoir tout soulève contre lui, tout réuni pour l’accabler dans sa disgrâce, & tout cela sans se ménager ni défenseur ni appui, sans s’embarrasser même du succès de ses livres, sans s’informer au moins de l’effet qu’ils produisoient & de l’orage qu’ils attiroient sûr sa tète, & sans en concevoir le moindre souci quand le bruit commença d’en arriver jusqu’à lui ? Cette intrépidité, cette imprudence cette incurie est-elle de l’homme faux & fin que vous m’avez peint ? Enfin vous voulez qu’un misérable à qui l’on a ôte le nom de scélérat qu’on ne trouvoit pas encore assez abject, pour