seul peut justifier, parce qu’ayant pu se passer de les faire on n’a dû les tenter qu’à coup sûr. Le profond secret qu’il garda toute sa vie, jusqu’au moment de l’exécution, étoit encore aussi essentiel que difficile dans une si grande affaire où le concours de tant de gens étoit nécessaire, & que tant de gens avoient intérêt de traverser. Il paroît que quoiqu’il eût mis la plus grande partie de l’Europe dans son parti & qu’il fût ligué avec les plus puissans Potentats, il n’eut jamais qu’un seul confident qui connût toute l’étendue de son plan, & par un bonheur que le Ciel n’accorda qu’au meilleur des Rois, ce confident fut un Ministre intègre. Mais sans que rien transpirât de ces grands desseins, tout marchoit en silence vers leur exécution. Deux fois Sully étoit allé à Londres : la partie étoit liée avec le Roi Jacques, & le Roi de Suede étoit engagé de son côté ; la Ligue étoit conclue avec les Protestans d’Allemagne, on étoit même sûr des Princes
d’Italie, & tous concouroient au grand but sans pouvoir dire quel il étoit, comme les ouvriers qui travaillent séparément aux pièces d’une nouvelle machine dont ils ignorent la forme & l’usage. Qu’est-ce donc qui favorisoit ce mouvement général ? étoit-ce la paix perpétuelle que nul ne prévoyoit & dont peu se seroient souciés ? étoit-ce l’intérêt public qui n’est jamais celui de personnel l’Abbé de St. Pierre eût pu l’espérer. Mais réellement chacun ne travailloit que dans la vue de son intérêt particulier, qu’Henri avoit eu le secret de leur montrer à tous sous une face très-attrayante. Le Roi d’Angleterre avoit à se délivrer des continuelles conspirations des Catholiques de son Royaume, toutes fomentées par l’Espagne. Il trouvoit de plus un